... MAIS ELLE PERDURE, LA FOLIE

photographie: mat jacob

jeudi 16 juin 2016

Bloomsday...

(au hasard...)

  Collées à la vitre deux mouches bourdonnèrent, collées.
  Le vin bu s'attardait plein de soleil à son palais. foulé dans les pressoirs des vignobles bourguignons. Toute la chaleur du soleil. C'est comme une caresse secrète qui me rappelle des choses. Au moelleux contact ses sens se souvenaient. Cachés sous les fougères de Howth. Sous nous la baie ciel dormant. Pas un bruit. Le ciel. La baie pourpre à la pointe du Lion. Verte à Drumleck. Vert-jaune vers Sutton. Prairies sous la mer, lignes d'un brun plus clair parmi les herbes, cités englouties. Mon veston faisait oreiller à ses cheveux, des perce-oreilles dans les touffes de la bruyère, ma main sous la nuque, vous allez toute me chiffonner. Ô mon dieu ! Sa main suavifiée d'aromates me touchait, me caressait; ses yeux ne se refusaient pas. Allongé au-dessus d'elle, ravi, bouche ouverte, à pleines lèvres, je baisai sa bouche. Iam. Douce elle fit passer dans ma bouche du gâteau chaud mâché. Pâte écoeurante que sa bouche avait pétrie, sucrée et aigre de salive. Joie; je la mangerai; joie. Jeune vie, moue de ses lèvres tendues. Lèvres tendres, chaudes, collantes, gomme parfumée, loukoum. De vraies fleurs ses yeux, prends-moi, yeux qui veulent bien. Des cailloux dégringolaient. Elle restait immobile. Une chèvre. Personne. En haut dans les rhododendrons de Ben Howth une chèvre qui va d'un pas précis, semant ses raisins de Corinthe. Abritée sous les fougères elle riait dans la chaude étreinte. Follement mon corps pesait sur le sien, je l'embrassais; yeux, lèvres, son cou tendu, ses artères battantes, ses seins de femme faite bombant dans sa blouse en voile de laine, dressant leurs bouts épais. Je lui dardais ma langue brûlante. Elle me donnait des baisers. Je recevais ses baisers. Toute consentante elle ébouriffait mes cheveux. Embrassée elle m'embrassait.
  Moi. Et moi maintenant.
  Collées, les mouches bourdonnaient.

extrait de Ulysse, James Joyce, Folio (pp.271/272) traduction d'Auguste Morel, revue par Valéry Larbaud, Stuart Gilbert et l'auteur.

Joyeux Bloomsday à tous, camarades...

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