... MAIS ELLE PERDURE, LA FOLIE

photographie: mat jacob

vendredi 26 août 2016

Ailleurs...

  Cette tension ne se relâcha pas de toute la nuit. Le lendemain était un dimanche. Il fit une demi-douzaine de visites et, au milieu de la matinée, se rendit chez M.Singer. Dans cette chambre il oublia sa solitude et, lorsqu'il en sortit, il était en paix une fois encore.
  Mais avant qu'il eût franchi le seuil de la maison un incident lui fit perdre cette paix. Comme il descendait les escaliers, un Blanc, chargé d'un grand sac de papier, les montait. Il se rapprocha de la rampe de l'escalier pour lui laisser le passage. Mais le Blanc escaladait les marches deux par deux, sans regarder devant lui, et il heurta le docteur Copeland avec une telle force que ce dernier en eut le souffle coupé.
  " Christ ! Je ne vous avais  pas vu. "
  Le docteur Copeland le regarda en face mais ne répondit pas. Il avait déjà vu ce Blanc. Il se rappelait le corps trapu, brutal et les énormes mains maladroites. Puis, avec un brusque intérêt professionnel il observa le visage de l'homme car, dans ses yeux, il avait discerné le regard étrangement fixe de la folie.
  "Pardon !" dit le Blanc.
  Le docteur posa sa main sur la rampe et passa outre.


Extrait de Le Coeur est un chasseur solitaire, Carson McCullers , p.190, Biblio/Livre de Poche, traduction Marie-Madeleine Fayet

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